Les prud'hommes au ralenti malgré la hausse des contentieux – Libération

Le cabinet
BELLOTTI-CAUNEILLE

Au tribunal des prud’hommes à Marseille, en 2017. (Photo Patrick Gherdoussi. Divergence)
Ici, c’est un employé qui n’a pas été payé. Ailleurs, un salarié invité par son entreprise à télétravailler alors qu’il est en chômage partiel. Ou encore des droits de retrait contestés. Bref, autant de contentieux du droit du travail qui s’accumulent avec la crise sanitaire et ne peuvent être traités par les conseils des prud’hommes. Et pour cause : ces tribunaux paritaires, où siègent des juges non professionnels issus des organisations syndicales et patronales, sont fermés depuis mi-mars. «Oui, il y a une difficulté physique pour qu’ils se réunissent», a reconnu mercredi Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. De quoi inquiéter la Ligue des droits de l’homme qui alertait mardi : «Le comportement abusif d’employeurs n’est plus sanctionné et certains salariés sont lésés faute de pouvoir faire respecter le droit du travail.»
A lire aussi«Si un dialogue social de qualité est la condition à la reprise, on va attendre…»
Fin mars, le gouvernement a pourtant pris deux ordonnances pour adapter les règles de fonctionnement des conseils prud’homaux afin de leur permettre de «statue[r] en formation restreinte». «Le droit de recours n’est en rien suspendu», assurait encore Pénicaud mercredi. Malgré un ensemble de dispositions adoptées dans l’urgence (échanges des pièces entre parties facilités, audiences par visioconférence…), l’activité des conseils est au point mort. Avec des variations selon les villes. «Les référés fonctionnent par exemple aux conseils de Nîmes, Alès, ou encore Mende», liste le ministère de la Justice, qui rappelle la possibilité, aussi, de désigner une autre juridiction de même nature en cas d’incapacité du conseil prud’homal. S’il est «beaucoup trop tôt pour donner une date de réouverture de tous les conseils», reconnaît le ministère, ici ou là, la situation semble évoluer timidement. «Les choses commencent à bouger», souligne l’avocate Sophie Challan-Belval, qui regrette toutefois qu’il n’y ait «pas de plan national, chaque cour faisant à sa sauce».
Mais dans bien des endroits, c’est silence radio. La faute à un manque de moyens humains mais aussi matériels. «Dans certains conseils, il n’y a même pas un écran. Alors des audiences en visio…» pointe l’avocate. D’autres insistent sur l’absence d’instruction forte de la part du ministère. Il «n’a, semble-t-il, pas été en mesure de travailler avec les organisations syndicales pour maintenir l’activité des conseils, tout en assurant la sécurité sanitaire des agents, des conseillers et des justiciables», résume Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint de l’Unsa.
Exprimé par un vice-président de conseil, le sentiment que la justice prud’homale est «un peu la dernière roue du carrosse» judiciaire est plus fort que jamais. Le «parent pauvre», disent d’autres. Avec la réforme de la justice, les greffes ont fusionné «et on se retrouve avec un nombre de greffiers insuffisant», explique Sophie Challan-Belval. Or la juriste s’attend à une «explosion du contentieux» au regard de la crise économique à venir. Même inquiétude de David Métin, du Syndicat des avocats de France (SAF), qui souligne le risque de voir exploser les licenciements, désormais possibles si une entreprise de moins de 11 salariés constate une baisse significative de son chiffre d’affaires sur un seul trimestre. Ce qui sera le cas de nombre d’entre elles.
A lire aussiMuriel Pénicaud se met tout le monde à dos
«Ici, on rendait déjà les jugements dans des délais allant jusqu’à deux ans dans la section commerce. Alors, après ?» s’interroge un conseiller de Montmorency (Val-d’Oise). «On me remonte des situations dans lesquelles les personnes sont licenciées sans présence d’un conseiller du salarié», poursuit-il. «Un salarié me racontait récemment que son employeur a décidé de baisser les salaires, comme ça, sans rien, sans accord», relate un autre. «Avec cette crise sanitaire, le code du travail a été dénaturé et nous pouvons nous attendre à une hausse des saisines dans les prochains mois. Si nous n’avons pas plus de moyens au redémarrage, la situation sera catastrophique pour les justiciables», avertit Jérôme Deplagne, vice-président du conseil de Pontoise (Val-d’Oise).
«Sous couvert de l’état d’urgence, on rase les acquis du siècle dernier», alerte aussi le représentant du SAF, qui donne l’exemple d’une salariée qui s’est vu imposer dix jours de congé à la suite des ordonnances gouvernementales, soit plus que ce qui a été autorisé légalement. «Ce genre d’abus, vous allez l’avoir à outrance», prévient-il. Mais au-delà de l’encombrement des prud’hommes, il craint le non-recours : «Les salariés, dans ce genre de cas, ne vont pas aller aux prud’hommes : c’est trop long, trop onéreux. Ils vont s’asseoir sur leurs six ou dix jours.»
A lire aussiFace aux pressions de Pénicaud, des inspecteurs du travail se rebiffent
En attendant, les luttes salariales se jouent sur d’autres terrains. Des tribunaux judiciaires ont été saisis en référé pour se prononcer sur les conditions de sécurité au sein d’associations d’aide à domicile ou bien encore chez Amazon. Des recours ont été déposés devant le Conseil d’Etat. Mais seuls les syndicats ou l’inspection du travail peuvent porter ces dossiers devant ces juridictions. Les salariés, eux, restent seuls pour l’instant.
© Libé 2022
© Libé 2022

source

Nous vous proposons de l'information

Ne jamais vous engager dans une procédure judiciaire longue et coûteuse qui va vous coûter argent et stress si cela n’a pas d’intérêt.

Articles récents

Suivez-nous

Pour prendre rendez-vous

La page est mise en ligne à des fins d’information du public et dans l’intérêt des clients. Elle est régulièrement mise à jour, dans la mesure du possible. En raison de l’évolution permanente de la législation en vigueur, nous ne pouvons toutefois pas garantir son application actuelle. Nous vous invitons à nous interroger pour toute question ou problème concernant le thème évoqué au 04 68 90 77 77 . En aucun cas SCP BELLOTTI-CAUNEILLE ne pourra être tenu responsable de l’inexactitude et de l’obsolescence des articles du site. xtremwebsite avocat droit routier