Infidélité virtuelle, adultère réel : la preuve numérique dans le divorce pour faute. Par Judith Duperoy, Avocat – Village de la Justice

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Judith Duperoy
Avocat à la Cour
Le droit des seniors.fr/
Cabinet Duperoy-Paour
1re Parution: 7 juin 2011
Annonces, rencontres, tchats sur Internet, inscription sur des sites de rencontre, copie des données du disque dur, espionnage de l’ordinateur, SMS, E-mail : quels sont les éléments qui peuvent être produits comme preuves dans le cadre du divorce pour faute ?
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« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune » (article 242 du Code civil).
« Les faits invoqués en tant que causes de divorce peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu » (article 259 du Code civil). Il faut tout de même préciser que, pour des raisons évidentes, les témoignages des descendants des époux, c’est-à-dire ceux des enfants et des petits-enfants, ne sont pas retenus.
Par ailleurs, il existe des limites légales à la recevabilité des preuves collectées ; ces limites tiennent aux moyens mis en œuvre pour recueillir les preuves.
« Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude » (article suivant 259-1 du Code civil).
Le moyen utilisé pour obtenir la preuve rapportée ne doit pas être illicite, c’est le cas lorsque la preuve est obtenue par fraude, menace ou violence.
Le moyen utilisé pour obtenir la preuve rapportée ne doit pas non plus être déloyal, au sens où la preuve ne doit pas avoir été obtenue en piégeant le conjoint, par exemple en enregistrant une conversation téléphonique ou une tournant une vidéo à son insu.
L’inscription d’un époux sur un site de rencontre peut-elle constituer une faute ?
Selon la jurisprudence, un acte d’inscription isolé sur un site de rencontre ne saurait, à lui seul, être retenu comme une faute justifiant le prononcé d’un divorce. En effet, toute faute ou violation d’un devoir ou d’une obligation conjugale ne justifie pas le prononcé du divorce ; la faute doit revêtir un caractère de gravité suffisante ou être répétée pour que le juge accepte de prononcer le divorce.
Mais lorsqu’il est « produit des éléments démontrant que l’époux s’est inscrit sur un site de rencontres depuis une certaine période, qu’il entretient des correspondances intimes, envoie des photos compromettantes et recherche manifestement des aventures extraconjugales  », le juge peut reconnaître dans ces comportements une faute qui justifie le prononcé du divorce (Cour d’appel de Lyon 2ème chambre 7 février 2011, N° de RG : 09/06238)
Il en est de même lorsqu’il est démontré qu’un époux s’adonne à « une fréquentation soutenue et injurieuse d’Internet sur des sites de rencontres ou pornographiques  » (Cour d’appel de Paris, 19 décembre 2007, N° de RG : 07/03365)
La notion de fidélité retenue par la jurisprudence est plus large que la simple fidélité charnelle. Le devoir de fidélité est aussi une obligation morale et affective.
Dès lors, bien que n’ayant pas été consommée physiquement, l’infidélité virtuelle, peut dans certains cas constituer une violation du devoir de fidélité et être retenue comme une faute motivant le divorce.
Quand la chasse aux SMS est ouverte dans le divorce pour faute :
« L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » (Article 1316-1 du Code civil).
Malgré cet article énoncé par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique, les juridictions considéraient, jusqu’à une décision récente de 2009, que les SMS « relevaient de la confidentialité et du secret de la correspondance » et que la « lecture de ces courriers à l’insu de leur destinataire constitue une atteinte grave à l’intimité de la personne ».
Mais, la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 17 juin 2009, a admis la recevabilité des SMS comme preuve dans la procédure de divorce pour faute.
Dans cette affaire, une épouse avait produit des SMS trouvés sur le portable professionnel de son époux pour prouver les relations extraconjugales de ce dernier. La cour a rappelé que « que la preuve pouvant être apportée par tout moyen [en ce compris les SMS] excepté par violence ou par fraude », (Cour de cassation, chambre civile, 17 juin 2009, N° de pourvoi : 07-21796).
Il ne faut pas oublier que la preuve doit être fiable (garanties quant à sa provenance, altération et conservation) ; en effet, dans l’affaire objet de l’arrêt précité, les SMS avaient été consignés dans un procès verbal d’huissier de justice.

Y a-t-il des limites aux fouilles et intrusions dont peut faire objet l’ordinateur utilisé par l’époux pour trouver des preuves ?

« Dès lors que l’ordinateur consulté est l’ordinateur familial, accessible par l’un ou l’autre des époux, sans code d’accès verrouillé », le juge considère que les preuves recueillies par un époux sont recevables, à moins que l’autre ne démontre qu’un moyen frauduleux a été utilisé pour consulter les messages. (Cour d’appel de Lyon, 2ème chambre, 7 février 2011, N° de RG : 09/06238).
Il est probable que s’il devait être interrogé sur la consultation d’un autre ordinateur que l’ordinateur familial, le juge suivrait le même raisonnement dès lors que les époux ont tous deux accès à l’ordinateur, sans code d’accès verrouillé.
Mais lorsque les moyens utilisés sont manifestement frauduleux, le juge écarte les éléments et pièces qui en sont issus.
C’est ainsi « que l’obtention des pièces est considéré comme manifestement frauduleuse, lorsque l’époux s’est rendu sur la boîte mail de sa femme pour transférer des messages, alors que l’épouse ne lui avait pas volontairement laissé accès à sa boîte de messagerie, que l’époux n’était plus autorisé a résider au domicile conjugal et qu’il avait de toute façon quitter, à la date à laquelle il s’est introduit dans la messagerie de son épouse » (Cour d’appel de Lyon, 2ème chambre, 21 mars 2011, N° de RG : 10/01789).
De même, la mise en place de logiciels pour espionner et surveiller les sites consultés par l’époux, le piratage de sa boite mail, ou tout autre procédé de ce genre destiné à capter ses conversation ou échanges vidéo doivent être tenus pour des procédés frauduleux.
Dès lors, un époux ne peut plus se contenter d’invoquer le respect de la vie privée pour invalider les e-mails subtilisés sur sa messagerie, dans la procédure de divorce, la validité de la preuve de la faute est principalement appréciée au regard de la licéité des moyens employés pour la collecter.
Néanmoins, Il faut tout de même préciser que, dès lors que la recevabilité de la preuve est discutée, le juge a accès à tous les éléments produits.
Alors, même si certaines pièces peuvent, en raison de leur caractère frauduleux, être écartées officiellement des débats par la suite, le juge en fait-il réellement abstraction ?
Judith Duperoy
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