Bordeaux : « Saisir les prud'hommes est devenu compliqué et cher … – Sud Ouest

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BELLOTTI-CAUNEILLE

Ex-éducateur spécialisé, syndicaliste à Force ouvrière, Denis Tonnadre, 68 ans, vient d’être élu président du Conseil de prud’hommes de Bordeaux pour un an. Issu du collège « salariés », il connaît bien cette juridiction qu’il a déjà présidée à deux reprises. Entretien
Quelle est l’activité des prud’hommes de Bordeaux ?
Les statistiques sur le ressort de la cour d’appel, dont les prud’hommes de Bordeaux représentent plus des deux tiers de l’activité, montrent que les saisines ont été divisées par plus de deux…
Quelle est l’activité des prud’hommes de Bordeaux ?
Les statistiques sur le ressort de la cour d’appel, dont les prud’hommes de Bordeaux représentent plus des deux tiers de l’activité, montrent que les saisines ont été divisées par plus de deux, en dix ans. On est passé de 7 000 nouvelles affaires en 2011 à 3 000 fin 2021.
Est-ce le signe d’un apaisement des relations de travail ?
J’aimerais, mais je ne le crois pas. J’ai souvenir de réquisitions du parquet, lors d’audiences solennelles, qui mettaient en avant le rôle des prud’hommes comme facteur de paix sociale. Aujourd’hui, malheureusement, ce rôle est très amoindri. Depuis les lois Rebsamen, El Khomri, puis les barèmes Macron, on a une baisse constante du contentieux. Car la procédure a pris le pas sur le fond des dossiers et a été mise essentiellement à la charge des salariés.
Des spécialistes du droit du travail estiment qu’il devient de plus en plus compliqué de saisir les prud’hommes. Qu’en dites-vous ?
C’est vrai. 80 % du contentieux portent sur des contestations de licenciement. Depuis les réformes que je viens de citer, le salarié concerné a de plus en plus d’obligations. Il doit produire une requête détaillée. Il lui faut un avocat, qu’il doit payer. En plus, les délais ont été restreints : un an maximum pour contester son licenciement. Face à cette complexification de la procédure, beaucoup renoncent à faire valoir leurs droits et à nous saisir.
Quelle est l’incidence des barèmes pour les licenciements abusifs ?
Forte ! Quand vous rencontrez un salarié qui s’est fait licencier et considère qu’il l’a été de manière abusive, s’il a une ancienneté inférieure à trois ans, et hors cas de harcèlement ou de discrimination, vous devez le prévenir : « Mesurez bien si cela ne va pas vous coûter plus cher que ce que vous allez obtenir ». Avec les barèmes, pour les faibles anciennetés, les dommages et intérêts peuvent être insuffisants pour payer les frais. Ce problème concerne aussi les salariés en CDD. Or, aujourd’hui, une majorité de salariés sont embauchés en CDD. Nous étions souvent saisis de demandes de requalification de CDD en CDI, lorsque les contrats avaient été conclus sans respecter les règles. Qui disait requalification, disait licenciement abusif et donc dommages et intérêts. Avec les barèmes, ces dommages et intérêts peuvent être ridicules. Les saisines de salariés en CDD ont chuté.
La baisse se retrouve-t-elle sur les procédures d’urgence ?
Oui. Quand j’ai commencé à siéger en référé, on avait des salles d’audience pleines. Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas de dossier. La complexification de la procédure joue, mais aussi l’aménagement du temps de travail. Beaucoup de référés portent sur des créances alimentaires : vous n’avez pas été payés d’heures effectuées, par exemple. Avant, le salarié nous saisissait et, souvent, le patron venait, préparait le chèque et c’était réglé. Avec l’aménagement du temps de travail, plus personne n’y comprend rien. Il faut démontrer que la référence n’est pas l’annualisation, la modulation et j’en passe. Même les créances alimentaires sont de plus en plus difficiles à faire reconnaître.
Certains parlent d’une « gentrification des recours aux prud’hommes ». Les salariés les plus précaires y auraient moins recours, contrairement aux cadres. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai. Le nombre de contentieux concernant les cadres est en augmentation, avec une dimension particulière : dans la section « Encadrement », on a beaucoup de conciliations, les deux parties s’accordent sur une indemnisation. Certaines conciliations interrogent et pourraient être de faux contentieux : employeur et salarié se mettraient d’accord sur une somme qui échappe ainsi au fisc.
Êtes-vous inquiet pour l’avenir de la justice du travail ?
Une baisse de 50 % d’activité, ce n’est pas rien ! Un autre point m’interroge. À Bordeaux, nous sommes juridiction pilote pour un programme informatique en test, Portalis. Il s’agit d’un outil, avec des modèles préétablis pour toutes les catégories de décisions. Il prévoit des modèles de rédaction pour les conseillers prud’homaux et une « bibliothèque » de motivations. Ces modèles seront contrôlés par la Cour de cassation. Je crains qu’on se retrouve avec des décisions standardisées, au détriment de la justice de proximité.
Avez-vous eu à traiter des affaires liées à l’obligation vaccinale ?
À ma connaissance, le Conseil a été peu saisi d’affaires de ce type. Syndicalement, on a été sollicités par des salariés de l’aide à domicile ou d’Ehpad. Mais c’est très difficile de leur conseiller de saisir la juridiction. Car les prud’hommes sont devenus compliqués et chers.

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