Prestation compensatoire & dommages et intérêts : quelles différences ? Par Juliette Daudé, Avocat. – Village de la Justice

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Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/
1re Parution: 30 septembre 2013
Qu’il s’agisse d’un divorce par consentement mutuel ou d’un divorce conflictuel, cette décision judiciaire entraine parfois des conséquences financières comme le versement d’une prestation compensatoire ou bien encore le versement de dommages et intérêts.
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Souvent assimilées entre elles, les notions de prestation compensatoire et de dommages et intérêts sont pourtant à distinguer.
En affirmant dans un arrêt du 18 janvier 2012 que le versement d’une prestation compensatoire n’excluait pas le versement de dommages et intérêts, la Première Chambre Civile de la Cour de cassation a rappelé que la prestation compensatoire et les dommages et intérêts appartiennent à deux domaines respectifs (pourvoi n°11-10959).
Il est en effet possible qu’un époux ayant commis un adultère ou ayant quitté le domicile conjugal puisse bénéficier d’une prestation compensatoire sur le fondement de l’article 270 du Code civil.
Il sera toutefois possible pour l’autre époux de demander réparation du préjudice qu’il a subi sur le fondement des articles 266 ou 1382 du Code civil.
Avant d’étudier la façon dont ces deux notions peuvent se combiner, il convient de les définir brièvement.
– La prestation compensatoire
Créée par la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce, la prestation compensatoire est définie par l’article 270 du Code civil qui dispose qu’elle est « destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
La prestation compensatoire est donc appréciée souverainement par le Juge aux affaires familiales au jour du prononcé du divorce.
Le juge va en effet procéder à un examen global de la situation patrimoniale des époux dans le passé mais aussi dans l’avenir prévisible.
Afin d’évaluer le montant de la prestation, le Juge aux affaires familiales va prendre notamment en compte :
• la durée du mariage
• l’âge et l’état de santé des époux
• la qualification et la situation professionnelles des époux
• les conséquences résultant des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants ainsi que le temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
• le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
• les droits existants ou prévisibles des époux
• la situation respective en matière de pensions de retraites
Lorsque ce sont les parties qui fixent le montant de la prestation compensatoire d’un commun accord, elles sont libres de s’affranchir des critères posés par la loi.
Le Juge aux affaires familiales vérifiera cependant que les intérêts des époux sont préservés avant d’homologuer la convention.
En principe, la prestation compensatoire doit être versée sous la forme d’un versement d’une somme d’argent en capital.
Toutefois, elle peut aussi prendre la forme d’un bien ou d’un droit.
Lorsque le débiteur de la prestation compensatoire le peut, le versement de celle-ci s’effectue en une seule fois.
A défaut de le pouvoir, la prestation compensatoire sera versée périodiquement (le plus souvent mensuellement) pour une durée ne pouvant excéder huit ans.
Enfin, le juge peut, à titre exceptionnel, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère c’est-à-dire jusqu’à la mort de l’autre époux.
En cas de changement important dans la situation de l’un des ex-époux, la prestation compensatoire pourra être révisée (dans son montant ou ses modalités de versement), suspendue ou supprimée.
Toutefois, le montant de la prestation compensatoire en lui-même ne pourra pas être augmenté.
-Le versement de dommages et intérêts
Le versement de dommages et intérêts peut s’effectuer sur le fondement des articles 266 ou 1382 du Code civil selon que l’on soit dans le cadre d’une procédure de divorce ou non.
• Sur le fondement de l’article 266 du Code civil
En vue de réparer un préjudice subi par le comportement fautif de l’un des époux, l’article 266 du Code civil octroie la possibilité au Juge aux affaires familiales, dans le cadre d’une procédure de divorce, d’allouer des dommages et intérêts.
C’est alors à l’époux aux torts exclusifs duquel le divorce sera prononcé qu’incombera le versement de dommages et intérêts à son conjoint, en réparation des fautes qu’il a commises.
Depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la condamnation du conjoint au paiement de dommages et intérêts est aussi possible dans le cadre d’une procédure pour altération du lien conjugal.
L’obtention de dommages et intérêts reste soumise à la preuve que le divorce a entraîné des conséquences d’une particulière gravité.
Si tel est le cas, le juge aux affaires familiales évaluera souverainement le montant du préjudice.
Il convient de préciser que contrairement au montant de la prestation compensatoire, le montant des dommages et intérêts n’est pas révisable.
De plus, le remariage de l’époux créancier est sans incidence sur le versement de ces dommages et intérêts.
Lorsque le divorce n’est pas prononcé aux torts exclusifs de l’un des deux époux ou pour altération définitive du lien conjugal, l’article 1382 du Code civil offre quand même la possibilité aux époux de fonder une demande en réparation de leur préjudice.
• Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil
La demande de dommages et intérêts peut également s’effectuer sur la base de l’article 1382 du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
La réparation pourra alors être demandée, à tout moment, pour toutes les autres circonstances que celles du divorce lorsque les préjudices invoqués ont été causés par le comportement du conjoint.
Il s’agit là de sanctionner un comportement fautif générant un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du lien conjugal.
Il faudra en outre que le demandeur prouve la faute commise par son conjoint ainsi que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué.
A noter : le juge ne peut pas attribuer de dommages et intérêts dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel.
– La coexistence de la prestation compensatoire et des dommages et intérêts dans un même jugement
Ce n’est que depuis la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce qu’une prestation compensatoire peut être octroyée qu’elle que soit la cause du divorce retenue par le juge.
Avant cette loi, lorsque le divorce était prononcé aux torts exclusifs d’un époux ou était prononcé pour rupture du lien conjugal, l’époux fautif ne pouvait pas prétendre au versement d’une prestation compensatoire.
Désormais, la faute même exclusive d’un époux n’est plus un obstacle pour bénéficier d’une prestation compensatoire : la prestation compensatoire est détachée de toute faute.
Ainsi, la prestation compensatoire a vocation à être versée par l’un des époux à l’autre, quel que soit le cas de divorce ou la répartition des torts.
L’époux fautif pourra se voir allouer une prestation compensatoire si le divorce venait à créer des disparités entre ses conditions de vie et celles de son époux.
En pratique, cela signifie que l’époux fautif pourra être condamné à verser des dommages et intérêts à son conjoint, alors que ce dernier pourra aussi être condamné à verser une prestation compensatoire à l’époux fautif.
Toutefois, l’article 270 du Code civil pose une exception : le juge aux affaires familiales conserve la possibilité de refuser l’octroi d’une prestation compensatoire à l’époux qui la demande lorsque l’équité le commande, lorsque les circonstances particulières de la rupture l’exigent ou bien encore lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux demandeur.
A titre d’exemple, la Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 5 février 2008 (RG n°07/02030), a exclu le droit à prestation compensatoire d’une épouse qui avait délaissé totalement sa famille pour se consacrer à une vie exclusivement spirituelle.
La Cour d’appel de Dijon a elle estimé, dans un arrêt en date du 30 septembre 2010 (RG n°10/00065), que « le comportement fautif de l’épouse, qui a justifié le prononcé du divorce à ses torts exclusifs, et son départ précipité et définitif du domicile conjugal après vingt-quatre ans de vie conjugale harmonieuse, permet de caractériser les circonstances particulières de la rupture » qui justifient en équité de débouter l’épouse de sa demande de prestation compensatoire.
Par ailleurs, comme la prestation compensatoire n’a pas vocation à réparer un préjudice ni à sanctionner une faute quelconque, elle peut être cumulée à une demande de dommages et intérêts.
Il est donc possible, selon les circonstances du dossier, de solliciter à la fois une prestation compensatoire, et des dommages et intérêts.
Juliette Daudé
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Le refus de relation sexuelle après 20 ans de vie commune constitue-t-il une « faute » et donne-t-il lieu à dommages et intérêts, alors même que la vie sexuelle de l’autre est totalement éliminée (viol, adultère, tromperie n’étant pas des issues envisageables…) ?
Au contraire, le fait de s’adonner à son travail de manière excessive (débauche à 20°° ou 22°° pour un travail de bureau payé 1400€, travail le samedi, jour de repos, travail à la maison sur ordinateur) et à des activités sportives en soirée le lundi et le mercredi, stretching le mardi pour rentrer après 20°°, cinéma avec des copines ou sortie au restaurant, alors que je cuisine à la maison pour la famille (ce qui ne me déplaît pas, assurant ainsi aux enfants ma contribution à une éducation de qualité) ne constitue-t-il pas une mise en danger de la stabilité familiale écartant toute compensation éventuelle, du fait d’absence de contribution familiale ?
Ces difficultés viennent de l’enfance vécue par ma femme dont sa famille « chaotique » ne put procurer l’exemple. Cette famille, dans l’alcoolisme et une violence insupportable qui donna la leçon de l’échec à ses garçons (alcool, divorces, déchéances, mort prématurée) ; viol par autorité ascendante au sein de la famille d’accueil et une « rancœur » à ma femme…
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